Le nom d'Hiram est attribué à deux personnages légendaires que l'on ne doit pas confondre.
Le premier, roi de Tyr, est cité dans le premier Livre des Rois (chap. 5) et dans le second Livre des Chroniques (chap. 2). Il intervient peu dans le mythe maçonnique où l'on rappelle parfois sa relation privilégiée à Salomon et à la reine de Saba. Certains ouvrages d'occultisme, inspirés des Rose Croix*, nous font assister à des dialogues initiatiques entre ce roi de Tyr, Salomon et David. Hiram dépêcha vers les deux derniers les ouvriers et le matériel nécessaire à la construction du temple*.
Le second personnage est Hiram Abi (ou Abiff) c'est-à-dire Maître Hiram.
Il apparaît dans les mêmes livres des Rois (E, chap. 7) et des Chroniques (Il. chap. 2). Hiram de Sor est ainsi présenté dans le texte biblique: « C'est le fils d'une veuve, de la branche de Naphtali. Son père est un homme de Sor, artisan du bronze. Il est plein de sagesse, de discernement et de pénétration pour faire tout ouvrage de bronze » (trad. Chouraqui). D'après les récits scriptuaires, Hiram avait la maîtrise de plusieurs métiers. Tour à tour métallurgiste, fondeur, statuaire, tisserand ou dessinateur, il devint, d'après le texte des Chroniques, l'architecte du Temple de Salomon.
Ayant érigé les colonnes* du temple, il baptise celle de droite Iakhîn (Jakin} et celle de gauche Bo'az (Boaz ou Booz) (1 Rois 7, 15-22)
Hiram Abi est peu à peu devenu le personnage essentiel des rituels maçonniques. Lors du passage à la maîtrise, la loge* met en scène un véritable psychodrame dans lequel le compagnon, futur maître, joue le rôle d'Hiram assassiné, enseveli et retrouvé par d'autres maîtres.
En effet, Hiram aurait été tué par trois mauvais compagnons qu'il considérait comme indignes de recevoir les secrets essentiels constitués par certains mots, signes* et attouchements qui donnaient accès à la maîtrise.
Les motivations de l'assassinat sont d'abord vénales.
Les nombreux ouvriers employés à la construction du temple disposaient tous de signes de reconnaissance et de mots secrets qui permettaient à chacun d'eux de recevoir le salaire* attribué à sa classe ou à sa corporation.
Arracher par la force le mot sacré des maîtres ne pouvait que favoriser une promotion imméritée, de la seconde classe vers le sanctuaire du temple, la fameuse chambre du milieu* où les maîtres prenaient directement les ordres d'Hiram.
Le forfait accompli, les mauvais compagnons ensevelissent le cadavre qui sera découvert par les maîtres? envoyés par Salomon, grâce à la branche d'acacia* (il s'agit parfois d'une branche de tamaris) que les traîtres avaient planté sur sa tombe.
Le personnage d'Hiram apparaît dans la spéculation maçonnique du XVIIIe siècle, au sein de loges soucieuses de créer un rituel une liturgie et un mythe sur le thème des bâtisseurs primordiaux.
Anderson*, en 1717, avait évoqué, dans la partie historique des Constitutions*, l'architecte du temple, Abi Hiram.
Dans la seconde édition (1738) il souligne le deuil profond qui suivit la mort du maître Hiram.
En 1727, on peut aussi lire dans le manuscrit Wilkinson: « La forme de la loge est un carré long.
Pourquoi ? De la forme de la tombe du maître Hiram. »
La mort du maître en loge est symbolique. Elle est passage et résurrection qui réactualise le mystère originel.
La mort initiatique est la répétition du drame primordial qui rappelle la nécessité de la mort à la conscience ordinaire pour accéder à une autre compréhension de l'univers. Le retour des maîtres vers Salomon est bien la preuve de la présence de l'architecte dans chacun des nouveaux maîtres, qui prolongent ainsi l'idéal maçonnique.
Jadis, l'instruction rituelle au 3° du Rite Écossais Ancien et Accepté précisait que l'objet de la maîtrise consistait à « chercher le maître qui est en nous à l'état de cadavre inanimé, faire revivre le mort afin qu'il agisse en nous ». Hiram symbolise l'homme juste et vertueux mis à mort à cause de la violence des passions humaines. Les mauvais compagnons personnifient l'ignorance, le fanatisme intolérant et l'ambition. Au Rite Français*, ils figurent les trois rebelles: le rebelle à la nature, le rebelle à la science et le rebelle à la vérité, qui ne triomphent jamais puisque les maîtres, nourris de l'enseignement essentiel, se remettent au travail et poursuivent la construction du temple. La dernière partie de la cérémonie d'élévation à la maîtrise met fortement l'accent sur le fait que l'architecte ne meurt pas, mais qu'il renaît et vit dans chacun de ses disciples. Dans certains rituels existent des grades de vengeance fondés sur la punition et l'exécution des assassins d'Hiram dans des mises en scène théâtre lisées. Dans le Rite de Memphis, on pratique aussi un rituel de la « mort » maçonnique destiné à châtier dans la personne du franc-maçon frappé d'infamie l'un des meurtriers d'Hiram.
Il y eut aussi, en mémoire d'Hiram, des vengeances, violences et exactions accomplies entre Compagnons du Tour de France.
Certains d'entre eux pour-suivaient d'une haine tenace les compagnons de métiers soupçonnés de descendre en droite ligne de mauvais compagnons, assassins d' Hiram. C'est ainsi qu'au XIXe siècle, les Enfants de Salomon affrontaient les Bons Enfants de Maître Jacques ou les Bon Drilles du Père Soubise dans des rixes sanglantes qui étaient toujours des prétextes à venger Hiram et à châtier sa descendance. Les compagnons menuisiers portaient alors des gants* blancs pour signifier que leurs mains n'avaient jamais trempé dans le sang d'Hiram, et ils se nommaient eux mêmes « chiens », sans aucun cynisme pour rappeler que cet animal selon une autre légende, aurait découvert sous des gravats le corps de l'architecte du temple Agricol Perdiguier, par Le Livre du compagnonnage, ne fut pas étranger à la réconciliation des compagnons et il contribua à une lecture plus paisible et plus spirituelle du mythe fondateur.
Le mythe d'Hiram, par sa puissance et sa beauté, n'a pas manqué de nourrir l'imaginaire de romanciers et de poètes. C'est ce rituel de passage à la maîtrise que traduit le franc-maçon Goethe dans un poème de 1814, Nostalgie bienheureuse dont le dernier quatrain se termine par une exhortation à abandonner les ténèbres: « Meurs et deviens! », La légende d'Hiram est aussi rapportée par Gérard de Nerval, dans un long chapitre de son Voyage en Orient. Sans être lui-même franc-maçon, l'écrivain avait une culture maçonnique étendue qui lui permit, sur le mode du conte oriental, de relater, dans son Histoire de la reine du matin et de Soliman prince des génies, la construction du temple. Dans le chapitre intitulé « Makbénach », il plonge le lecteur au coeur du drame fondateur en décrivant l'assassinat de l'architecte par les trois compagnons félons et la mise au point d'un nouveau mot de passe* de maîtrise le précédent ayant pu être arraché par la violence. « Makbénach » (« la chair quitte les os ») serait le premier mot, devenu mot de passe, prononcé par l'un des compagnons fidèles lors de la découverte du cadavre. Nerval termine ainsi la page en soulignant «l' importance de ce mythe fondateur et la postérité d'Adoniram resta sacrée pour eux; car longtemps après encore ils juraient par les fils de la veuve; ainsi désignaient-ils les descendants d'Adoniram et de la reine de Saba ».
Le sage Salomon, ayant changé la parole d'Hiram pour éviter que les mauvais compagnons ne mésusent du mot secret, certains rites, inspirés des Rose-Croix, font de la recherche de cette parole perdue la finalité même du travail maçonnique.
Vl. B.
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