dimanche 3 février 2013

" Des autocontraintes à la protestation ! " - Regain 2012

" Des autocontraintes à la protestation ! " - Regain 2012:


" Ces autocontraintes, qui sont le résultat des regards rétrospectifs et prospectifs auxquels on habitue , dés l'enfance, l'individu inséré dans un ensemble d'enchaînements d'actions en constante extension, se présentent sous la forme d'habitudes soumises à une sorte d'automatisme ." ( Norbert Elias . La dynamique de l'Occident . 1939 ) .
 ( Illustration : radio-canada.ca ) .


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   La socialisation est un mécanisme à l'issue duquel les contraintes que des hommes exercent sur d'autres hommes se transforment, par intériorisation, en autocontraintes " . ( Ph. Braud ) .
   L'interdépendance poussée des individus et des groupes dans nos sociétés modernes exige l'acquisition de langages communs, de références partagées, l'assimilation de codes de comportements qui vont rendre les relations moins imprévisibles, donc moins problématiques . Retenons, à ce stade, l'importance majeure de l'adjectif " imprévisible " . Tous ces mécanismes supposent un processus d'apprentissage fondé, d'abord,  sur " des frustrations et des renonciations " , mais aussi des représentations de savoirs et de savoir-faire perçus comme utiles ou valorisants .
   La socialisation politique est un aspect de ce processus général et continu d'inculcation et de réception de normes et de repères, de savoirs et de savoir-faire .
  Une question s'impose alors à nous, sur ce sujet : quelles croyances et quels savoirs nous sont transmis,  par la famille d'abord, puis l'école, puis les groupes auxquels nous nous identifierons, et dans quelle mesure cette transmission gouvernera-t-elle ensuite nos comportements de citoyen ?  Certainement, en primat, l'appartenance à une classe sociale .

    Cependant, dans nos sociétés contemporaines, à forte différenciation sociale, qui font coexister de trés nombreuses " subcultures " propres à des classes sociales, des groupes religieux, des espaces régionaux et locaux, dissoudre l'autonomie individuelle dans un primat de " conscience collective " ou de " jeu de facteurs culturels " peut apparaître comme insuffisant . 
   L'individualisme inculqué à nos consciences par la société marchande engendre des comportements intentionnels qui peuvent se  fonder sur un calcul rationnel, en opposition aux " comportements naturels conditionnés " . Souvent, le sujet, dans son passage à l'action,  fait intervenir un calcul délibéré, coût/avantage, " une sorte de processus jalonné d'arbitrages et de compromis, entre les normes qui s'imposent à lui, les valeurs et croyances auxquelles il souscrit, et ses intérêts tels qu'il les conçoit " .  Il pourra même, dans un contexte un peu trop opaque, adopter un comportement déviant .
   Ajoutons à ce libre-choix individualiste, certains ressorts, d'origine presque " psychanalytique " de déni de réalité ou d'idéalisation de soi : je proclame, en citoyen averti,  voter pour tel candidat, parce que je condamne la gestion de son adversaire, alors qu'en fait, mon candidat promeut une politique anti-immigré qui me convient, mais mon estime de moi-même ne me permet pas de l'avouer .
   C'est la fameuse schizophrénie américaine d'une société qui enseigne les valeurs chrétiennes d'amour fraternel et d'humilité, mais qui dans la réalité asseoit et exalte la réussite sociale sur des valeurs de compétition, d'agressivité, de réussite matérielle, de mépris du vaincu, complètement antagonistes avec l'idéal chrétien .
   C'est encore le grand paradoxe de notre devise républicaine, qui montre à quel point, on peut intérioriser de plusieurs manières des croyances et des modèles culturels, soit dans le sens de la dénégation, soit dans le sens d'une mobilisation pour l'action . " Liberté, Egalité, Fraternité ! " Les libertés individuelles engendrent des inégalités de situation graves, mais un discours politique bien construit peut arriver à nous faire accepter ces inégalités ; l'égalité effective suppose la contrainte et le renoncement à certaines libertés élémentaires . La fraternité, donc la solidarité, impliquent des efforts en matière d'impôt, par exemple, dont on voit bien, aujourd'hui, que cela ne coule plus de source .
   Voilà une trilogie indissociée qui permet de donner à chacun l'illusion d'une croyance commune .

   La culture politique serait donc " la configuration des comportements appris, partagés et transmis par les membres d'une société donnée ", dit Ralph Linton, en vue d'offrir une réponse aux exigences élémentaires des êtres humains : affirmation de soi, approbation d'autrui, satisfaction d'intérêts personnels ...
   Mais l'intérêt  personnel  peut aussi prendre la forme du don et du désintéressement, en lieu et place de la " froide raison du marchand " . C'est tout le problème de la conciliation entre les impératifs culturels et les capacités de choix stratégiques de l'individu affrontant une situation sociale déterminée .
   Il faut ajouter à ces réflexions le concept créé par la psychologie sociale , " du rôle " . " Dans une situation sociale donnée, des individus, vont assumer un ensemble d'attitudes et de comportements prévisibles, qui ne seront ni calculés ni réfléchis, mais simplement l'expression de ce qu'ils pensent être ce que l'on attend d'eux " .

   De ces constats, on peut déduire , qu'il y aura forcément affrontement entre des systèmes de représentations, les uns dominants, explicités de façon savante et sophistiquée, les autres dominés, réduits à des élaborations frustes . Mais la légitimité des uns ou des autres se gagnera par la lutte politique, passage obligé du dépassement de la contradiction .
   Et voulez-vous que je vous dise ?  Le résultat de la négociation en cours, entre patronat et syndicats, sur la nouvelle éthique du " Droit du Travail ", sera le révélateur du niveau de résistance " des attentes et des croyances fortement constituées " à des pseudo-vérités nouvelles , telles que l'installation définitive et massive, dans notre cadre de société, du " travailleur pauvre " .

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